Pourquoi une prise en charge
HOLISTIQUE dans la cicatrisation ?
D’après une interview avec le Docteur Bruno Dell’Isola,
Chef de service de Médecine Interne,
Hôpital Suisse de Paris
Le soin d’une plaie implique de traiter ses causes. On ne traite pas que la plaie mais bien le patient dans sa globalité. Le soin des plaies se trouve au carrefour de nombreuses disciplines. Lorsque l’on parle d’approche holistique de la prise en charge des plaies, on a affaire à une approche structurée et complète du traitement des plaies. Il faut prendre en compte les différents facteurs qui peuvent affecter la cicatrisation de la plaie afin d’avoir une bonne base de référence pour suivre le processus de cicatrisation. Des ajustements peuvent être faits toujours dans le but d’une meilleure prise en charge. Dans cet article, nous allons passer en revue tous les aspects à prendre en compte pour une cicatrisation optimale.
Dans la prise en charge d’un patient avec une plaie, l’examen local prend en compte l’état cutané. Celui-ci va être synthétisé dans une grille grâce à un diagnostic coloriel : nécrose, fibrine, bourgeonnement, épidermisation. Le bilan locorégional va permettre d’évaluer l’état vasculaire et osseux et rechercher des complications infectieuses (érysipèle, abcès). La taille et la profondeur (photos et mesures par réglettes adaptées) des lésions vont permettre d’évaluer la gravité de la plaie afin d’adapter les soins locaux et le suivi.
Il est important de contrôler immédiatement la douleur car celle-ci peut être un obstacle aux soins, ce qui peut empêcher la cicatrisation de la plaie et augmenter le risque d’infection. Une prise en charge adéquate de la peau péri-lésionnelle et de la cause de la plaie évitera au lit de la plaie de s’agrandir. Une fois l’examen local terminé, il faut évaluer le patient dans sa globalité : présence d’une pathologie chronique, état général, hygiène, mobilité, activité physique…
On distingue la plaie aiguë qui est liée à un traumatisme extérieur accidentel sans facteur susceptible de retarder la cicatrisation (brûlures, plaies post-opératoires) et la plaie chronique dont le délai de cicatrisation est allongé en raison d’une pathologie associée (plaies du pied diabétique, escarres…).
Les plaies chroniques touchent surtout les personnes âgées. Le diabète, les problèmes vasculaires ou les états de mobilité réduite augmentent ainsi le risque d’incidence. Les plaies possèdent des caractéristiques différentes, elles se distinguent en fonction de leur origine, de leur durée et de leur processus de cicatrisation.
Selon le type de plaie, cela va donner lieu à une prise en charge spécifique. Il est donc important d’identifier toutes pathologies chroniques associées au processus de cicatrisation.
Souvent mise de côté, la nutrition est un élément clé pour le processus de cicatrisation. Les besoins protéiques sont plus importants chez un patient en phase de cicatrisation que dans la population générale et une carence protéique affecte toutes les phases de cicatrisation.
La mise en place du processus de régénération tissulaire et le remplacement de la perte de substance par du tissu conjonctif passent par un apport protéique suffisant. La dénutrition chez les patients va entrainer un retard de la cicatrisation et pour le soignant une augmentation du temps des soins. Il est donc important de faire appel à une diététicienne qui pourra faire en sorte que le patient ait un apport nutritionnel optimal en faisant une évaluation complète de ses habitudes alimentaires, tout en prenant connaissance de ses antécédents médicaux, bilans sanguins… Cela lui permet de créer un plan alimentaire personnalisé qui pourra par la suite être évalué et corrigé si nécessaire
Il n’est plus à prouver que la pratique d’une activité physique adaptée peut contribuer à accélérer
la cicatrisation, en particulier chez les patients les plus âgés. Il est bien évidemment important d’évaluer le besoin de repos des patients mais l’exercice n’est pas un frein à la guérison. Même une marche rapide peut être bénéfique pour améliorer la cicatrisation. Chez les patients avec un niveau de forme physique bas, la prise en charge kinésithérapique permet de prévenir les chutes en renforçant la musculature des membres inférieurs. Des podologues-pédicures peuvent permettre la mise en place d’orthèses plantaires afin de corriger les appuis vicieux qui sont source de lésions chroniques.
Enfin, l’avis d’un ergothérapeute va permettre d’accompagner le patient dans ses activités quotidiennes. Il pourra mettre en place un plan d’intervention directement relié au traitement de la plaie. Dans le but d’éviter les chutes, on pourra procéder à un retrait des tapis, des aménagements d’appuis par barres d’appuis murales et la gestion des forces de pression (installation de lits médicalisés avec matelas anti-escarres, orthèses statiques).
Pour illustrer notre propos, nous pouvons prendre l’exemple de l’ulcère de jambe. Dans ce cas, le
médecin généraliste est souvent le premier intervenant. Selon l’HAS, chez tout patient présentant un ulcère des membres inférieurs, il est dans l’intérêt du patient de rechercher les antécédents pouvant orienter le diagnostic étiologique (confirmer si une maladie veineuse ou autre affection est à l’origine de la plaie (diabète, artériopathie…)) vers une origine partielle ou exclusive.
Il convient ensuite d’évaluer ses comorbidités et ses facteurs de risques (+50 ans, tabagisme, excès de poids…). Dans le but de préserver le capital veineux du patient, il sera recommandé d’avoir une activité physique (30 minutes de marche rapide au moins 3 fois/semaine). Le patient doit adopter les bonnes postures (éviter de piétiner, dans le lit surélever les pieds de 10 à 15cm) et dans le cas d’un contact incomplet de la voute plantaire avec le sol durant la marche, il convient de consulter un podologue. Le patient devra éviter la chaleur (sauna, hammam) et prêter attention à certains vêtements et chaussures. Il est également indispensable d’opter pour une alimentation équilibrée.
Dans le cas d’un ulcère veineux, la compression sera nécessaire.)