L’EXSUDAT

L’EXSUDAT

D’après une interview avec

le Docteur Marine Le Crane,

 Gériatre, Hôpital Sainte Périne AP-HP, Paris

Définition

L’exsudat est un suintement de liquide organique dérivé du sérum appelé aussi liquide de la plaie, ou défini plus largement comme « ce qui sort de la plaie » ou comme « un excès de liquide normal » apparaissant à la surface de la plaie. La production d’exsudat, phénomène normal dans toute forme de lésion cutanée ou de plaie plus profonde est essentielle au processus de cicatrisation normal.
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Composition

L’exsudat, comme le sérum sanguin, est constitué d’eau et présente des concentrations similaires d’électrolytes et beaucoup de globules blancs (neutrophiles, leucocytes, polymorphonucléaires PMN). La concentration en protéines est également plus élevée (lysozyme, protéines plasmatiques, albumine, globuline, fibrinogène), ainsi qu’en facteurs de croissance (cytokines) et en macrophages qui les produisent. De même, on note une importante présence d’inhibiteurs tissulaires des métalloprotéinases matricielles (TIMP) lesquels assurent le fonctionnement normal des métalloprotéinases matricielles (MMP) également présentes en grand nombre. Enfin, on trouve aussi des microorganismes non pathogènes, notamment des aérobies colonisant les plaies et des déchets organiques (résidus de cellules mortes). La composition de l’exsudat change au cours du processus de cicatrisation.

L’exsudat de la plaie aiguë : un agent de cicatrisation

Transportant ses composants à la surface et dans le lit de la plaie, le rôle principal et naturel de l’exsudat est de contribuer à la cicatrisation grâce à l’apport des nutriments et électrolytes, des médiateurs inflammatoires favorisant la coagulation et des enzymes endogènes (sérine protéinase, cystéine protéinase, protéinase aspartique, MMP). Ces dernières nettoient et préparent le lit de la plaie, permettant aux kératinocytes, aux globules blancs et aux autres cellules d’accéder à la plaie à travers les tissus. Les enzymes endogènes décomposent la matrice extracellulaire (collagènes et élastine) avant la clôture de la plaie, celle-ci étant facilitée par les facteurs de croissance des cellules. Ces interactions ont lieu dans un milieu humide favorable à la cicatrisation, lequel est précisément assuré et maintenu par l’exsudat, permettant ainsi une plus grande vitesse d’épithélialisation, et une bonne évacuation des déchets protéiques par autolyse. À l’inverse, l’absence d’humidité (exsudat) pourrait conduire à la dessication de la plaie et à une cicatrisation perturbée et retardée. La production d’exsudat à l’occasion d’une blessure est donc un processus bénéfique et indispensable à une cicatrisation normale et complète.

L’exsudat des plaies chroniques : un agent inflammatoire entrainant un retard de cicatrisation

La composition et le dosage des différents éléments de l’exsudat ne sont pas les mêmes dans les plaies aiguës et les plaies chroniques. L’exsudat des plaies chroniques présente une plus grande diversité et une concentration plus élevée d’enzymes, qui non seulement dégradent les tissus endommagés ou déchets protéiques, mais détruisent également les tissus sains et favorisent la prolifération des cellules inflammatoires. En effet, l’exsudat des plaies chroniques provoque une surproduction de MMP que les TIMP ne peuvent plus réguler, conduisant à une augmentation de l’activité protéolytique et à la dégradation des facteurs de croissance. D’autre part, la présence d’enzymes dégradant l’antitrypsine génère une production élevée d’élastase par les PMN entraînant la dégradation de la fibronectine. Ces deux mécanismes, propres à l’exsudat des plaies chroniques, conduisent à le considérer comme un véritable agent inflammatoire entretenant la phase inflammatoire de la cicatrisation, perturbant et retardant son déroulement normal, et conférant à la plaie son caractère chronique. Outre une composition différente de l’exsudat, les plaies chroniques se caractérisent également par une production accrue de cet exsudat inflammatoire, ce qui amplifie encore son effet néfaste.

Volume excessif d’exsudat et risque de macération cutanée

Le volume d’exsudat produit par la plaie varie non seulement au cours des différentes phases du processus de cicatrisation, mais dépend également du type de plaie, de la localisation et de la taille de la plaie. Or, il a été démontré qu’une production excessive d’exsudat peut entraîner la macération de la plaie, et surtout de la peau péri-lésionnelle. Cette macération entraînera une détérioration de la plaie, un retard de cicatrisation, voire une infection bactérienne ou fongique en raison d’une surhydratation des tissus. Les plaies chroniques, telles que les ulcères du pied diabétique ou de la jambe, les brûlures, les escarres et les plaies cancéreuses sont connues pour être fortement exsudatives et donc particulièrement exposées au risque de macération cutanée.
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Évaluation : volume et type d’exsudat

Une évaluation correcte de l’exsudat est essentielle pour une gestion appropriée de la plaie et une cicatrisation normale. D’autant plus que l’exsudat est également une source précieuse et abondante d’information sur l’état de la plaie, le processus de cicatrisation, la présence d’une infection et l’état de santé général du patient, permettant de faire les choix thérapeutiques les plus appropriés.

L’évaluation de l’exsudat repose sur les informations recueillies par la détermination du volume et par l’examen de la couleur, de la consistance et de l’odeur de l’exsudat.

Le niveau normal ou optimal d’exsudat, pour un processus de cicatrisation rapide et non perturbé n’a pas encore été déterminé. Il existe plusieurs méthodes pour mesurer la quantité d’exsudat produite par la plaie : recueillir le fluide dans un sac de drainage, recueillir et peser les pansements imbibés, ou se référer à la fréquence de changement des pansements. Sur les fiches d’évaluation de la plaie, les quantités d’exsudat sont à indiquer par l’utilisation des symboles +, ++, +++, par les adjectifs « petit/léger », « modéré » et « lourd », ou en utilisant la graduation plus détaillée selon différents descripteurs, y compris le niveau de saturation du pansement. En l’absence d’outil objectif validé pour sa mesure, ces méthodes reposent toutes sur des appréciations et perceptions subjectives du personnel soignant. Elles sont imprécises et ce même pour les soignants très expérimentés.

Ces multiples facteurs nécessitent l’intégration de l’évaluation du patient dans une approche holistique pour mieux comprendre la production d’exsudat. L’exsudat est évalué dans le temps, une production d’exsudat modérée indiquant une évolution normale, tandis qu’une augmentation soudaine du volume d’exsudat est un signe possible d’inflammation.

Les exsudats ont des aspects différents en termes de couleur, de consistance et d’odeur.

L’exsudat peut être :

– Sanglant et séro-sanglant– mince, aqueux rouge vif, rouge pâle à rose ; indicateur d’infection de la plaie, de trouble hémorragique sous-jacent, de traumatisme de la plaie, voire de malnutrition ;

– Séreux (normal) – mince, aqueux, clair ambré ; exsudat normal mais pouvant être associé à une infection par le Staphylococcus aureus ;

– Purulent – mince ou épais, laiteux, crémeux, opaque, bronzé à jaune, avec une odeur déplaisante ; indicateur d’inflammation, d‘infection, de présence de tissus nécrotiques ou de matériel provenant d’une fistule entérique ou urinaire ; et enfin

– Purulent fétide– épais, opaque, jaune à vert, avec une odeur nauséabonde ; indicateur d’infection bactérienne, souvent par Pseudomonas aeruginosa.

Ces différents types d’exsudat permettent l’identification de divers processus pathogènes, l’évaluation de l’exsudat contribuant ainsi à l’établissement d’un protocole de soins adapté.

Comment gérer l'exsudat

La réduction du volume excessif d’exsudat est une priorité pour éviter la macération et donc la détérioration de la plaie. Une approche systémique doit être associée à la prise en charge locale (par exemple prise en charge de l’insuffisance cardiaque, d’une infection, de l’insuffisance veineuse, de l’incontinence).

Les soins locaux consistent à débrider et nettoyer la plaie, puis à choisir un pansement approprié sélectionné en fonction du volume et de la nature de l’exsudat, de la taille, de l’état et de la localisation de la plaie, et de l’état de la peau péri-lésionnelle. Des dispositifs de collecte sont prévus pour les plaies avec une fistule entérale ou liée à un vaisseau lymphatique, très fortement exsudatives.

Il est très important d’estimer correctement la durée optimale de port du pansement et de respecter la fréquence de changement des pansements, en fonction du volume d’exsudat, pour éviter la macération et une éventuelle infection.

La thérapie par pression négative topique (TPN) locale a toute sa place pour des plaies aiguës et chroniques, avec l’avantage d’éliminer les toxines bactériennes et les MMP.

Conclusion

L’évaluation et la gestion de l’exsudat sont essentielles à la gestion de la plaie. Un exsudat excessif constitue un défi clinique majeur et une source d’inconfort physique et psychologique pour le patient. Le rôle de l’exsudat, notamment dans les retards de cicatrisation, et le mécanisme précis conduisant à la transition d’un exsudat de plaie aigüe favorable, à un exsudat de plaie chronique nocif reste encore inconnu. En raison de cette nature ambivalente, tout exsudat a longtemps été considéré à tort comme « mauvais » et ses effets bénéfiques ont été négligés. L’identification des composants chimiques potentiellement nuisibles de l’exsudat est nécessaire et devrait faire l’objet de recherches futures, afin de fournir des outils d’analyse performants et pratiques, et de contribuer au développement de nouvelles approches de soins et thérapies.
La production accrue d’exsudat peut être causée par différents facteurs :
  • le sexe, les hommes produisant plus d’exsudat que les femmes ;
  • une température plus élevée entraînant une dilatation des capillaires ;
  • les modifications biochimiques au sein de l’organisme ;
  • une augmentation de la pression hydrostatique due à la posture du patientou à l’hypertension veineuse ;
  • le type, la surface et profondeur, et le stade de cicatrisation de la plaie ;
  • certains pansements et traitements topiques ;
  • l’infection de la plaie ;
  • certaines comorbidités ;
  • la présence des corps étrangers ou nécrotiques ;
  • la malnutrition ;
  • une mauvaise observance des soins